CHAPITRE TRENTE

Yu avait eu encore plus de mal que prévu à tous les faire tenir dans le vaisseau. Tous les compartiments libres jusque-là débordaient de soldats masadiens équipés de leur armement individuel et on ne pouvait pas se retourner sans leur marcher dessus. Yu serait soulagé lorsque le premier groupe débarquerait.

Leur présence en nombre soumettait également le régulateur des paramètres vitaux du Tonnerre à un effort excessif, qui faisait justement l'objet d'une réunion. Yu, le capitaine de frégate Valentine et le capitaine de corvette DeGeorge, commissaire de bord, passaient les chiffres en revue dans la cabine du commandant. DeGeorge n'était pas content du tout.

« Le pire, pacha, c'est que la plupart d'entre eux n'ont même pas de combinaison antivide. Si nous connaissons une défaillance vitale, ça sera très laid.

— Quels imbéciles », grommela Valentine. Yu le gratifia d'un regard réprobateur mais il n'y mit guère de conviction et l'ingénieur haussa les épaules. « Il suffisait pourtant de leur faire enfiler la combinaison antivide pour le voyage, pacha. Certes leur équipement est minable et les pauvres types auraient souffert, mais au moins ils auraient eu leur combinaison sur eux. » Il fronça les sourcils. « Et puis autre chose encore. On emmène tous ces connards vers leurs bases astéroïdes, pas vrai ? » Yu acquiesça et. Valentine haussa de nouveau les épaules. « Eh bien, vous n'irez pas me faire croire qu'ils ont autant de combinaisons disponibles sur leurs bases !

Yu fronça les sourcils à cette réflexion : l'ingénieur n'avait pas tort. Ils emmenaient tous ces hommes vers des bases en environnement hostile et ils n'avaient pas pris la moindre combinaison antivide. C'était parfaitement stupide, même pour des Masadiens, et il se demanda pourquoi ce détail ne lui était pas apparu plus tôt.

« Enfin, en tout cas, reprit DeGeorge, je garde un œil sur les paramètres vitaux et jusqu'ici tout va bien. J'espère que ça va continuer ! »

George Manning, assis au milieu de la passerelle, s'efforçait d'imiter la confiance qu'affichait le commandant. Non qu'il fût particulièrement confiant, mais il avait eu tout le temps nécessaire pour s'habituer à son impression de catastrophe imminente. De toute façon, il n'avait pas vraiment le choix.

Il vérifia son chrono : ils avaient pris plus d'une demi-heure de retard pour la première livraison. Il tourna la tête.

— Com, contactez la base trois et transmette à notre nouvelle HPA.

— À vos ordres, monsieur », répondit le lieutenant Hart, son officier des communications masadien. Un détail dans cette réponse fit tiquer Manning, une note étrange dans la voix, plus profonde que l'anxiété qu'ils ressentaient tous. Le second le regarda plus attentivement.

Hart sembla ne pas se rendre compte qu'on l'examinait. Il se pencha sur la gauche pour lancer le logiciel de communication rapide et le regard de Manning se figea soudain. On discernait sous la tunique du Masadien une forme anguleuse qui n'aurait pas dû s'y trouver... surtout qu'elle ressemblait à un pistolet automatique.

Le second détourna délibérément les yeux. Il se trompait peut-être quant à la nature de cette forme, mais il en doutait. Évidemment, même s'il avait vu juste, il y avait peut-être une bonne raison pour expliquer sa présence. Hart pouvait essayer de compenser ses propres angoisses, ou peut-être n'était-ce qu'un cas isolé : un homme sur le point de craquer. Dans l'espace confiné de la passerelle ce serait certes terrifiant, mais Manning aurait infiniment préféré cette explication à celle qu'il savait la bonne.

Il appuya sur un bouton de son intercom.

« Ici le commandant », fit une voix. Manning répondit d'un ton aussi naturel que possible.

« Ici le capitaine Manning, monsieur. J'ai informé la base trois de l'arrivée tardive des troupes. Je me suis dit que vous n'y seriez pas hostile. »

Le visage d'Alfredo Yu se figea au mot « hostile ». Il leva soudain les yeux vers ses compagnons et lut exactement le même choc dans leurs regards. Il resta un instant sans réaction : le cœur lui manquait; puis son cerveau se remit à fonctionner.

« Très bien, monsieur Manning. Le capitaine Valentine et moi étions justement en train d'évoquer nos problèmes de paramètres vitaux. Pourriez-vous passer à ma cabine pour en discuter avec nous ?

— Je crains de ne pouvoir quitter mon poste pour l'instant, monsieur. » La voix de Manning était ferme et Yu serra les dents de douleur.

« Parfait, George, dit-il. Merci de m'avoir prévenu.

— De rien, monsieur », répondit calmement Manning. Un déclic annonça la fin de la communication.

« Bon Dieu, pacha! lança Valentine d'une voix inquiète, on peut pas laisser George tout seul là-...

— Fermez-la, Jim. » L'absence d'émotion dans la voix de Yu la rendait plus redoutable encore, et Valentine referma la bouche. Le commandant se plongea dans ses pensées, les yeux clos, et ses subordonnés restèrent assis dans un silence figé.

Yu sentait leur angoisse et se maudissait de son indifférence passée. Il avait été si content de voir que Simonds voulait juste renforcer les garnisons de ses astéroïdes ! Bon Dieu, pourquoi n'avait-il pas saisi ce que la présence de tant de Masadiens armés à bord du Tonnerre impliquait ?

La panique menaçait mais il la combattit. Au moins George s'était montré plus observateur que lui. Toutefois, dans ses plans d'urgence, il n'avait jamais envisagé de transporter autant d'ennemis armés. À peine un tiers de l'équipage régulier était encore havrien; avec tous les soldats masadiens entassés à bord, le rapport de forces s'établissait à cinq contre un.

Il se leva, se dirigea rapidement vers le sas, l'ouvrit et inspira profondément, soulagé d'apercevoir le fusilier en faction dans le couloir. Le caporal leva la tête lorsque le sas s'ouvrit, puis il se raidit quand Yu lui fit signe. Il s'approcha et le commandant se mit à parler à voix basse.

— Marlin, allez voir le major Bryan. Dites-lui que nous sommes en situation hostile. »

Yu n'aimait pas l'idée d'envoyer le caporal en personne, mais il n'avait pas le choix. Il avait réussi à conserver ses officiers parmi les fusiliers et la plupart des non-com., et chacun d'entre eux avait reçu des instructions pour ce genre de situation. Toutefois la moitié des fusiliers du Tonnerre étaient masadiens et portaient les mêmes unités com. individuelles que les hommes de Yu. S'ils étaient dans le coup (et ils l'étaient forcément) et que l'un d'eux entendait Marlin transmettre des messages codés...

Le caporal Marlin blêmit mais hocha la tête, puis il se mit au garde-à-vous et s'élança vivement dans le couloir. Yu le regarda partir avant de se retirer dans sa cabine, en espérant que le fusilier pourrait prévenir Bryan à temps.

Il posa le pouce sur la plaque de sécurité d'une armoire murale dont la porte s'ouvrit brutalement lorsque le scanner reconnut son empreinte. Les armes de poing qui s'y trouvaient étaient rangées dans des étuis comme ceux dont se servait la police, portés en bandoulière, plutôt que dans les étuis militaires classiques. Il en jeta un à chacun de ses officiers puis ouvrit sa tunique. Il passa la bandoulière sur son épaule tout en regardant Valentine quitter lui aussi sa tunique.

— On est dans la merde, Jim. Je ne vois pas comment on va pouvoir garder le contrôle du vaisseau alors que j'ai laissé toutes ces enflures monter à bord. » L'ingénieur hocha la tête d'un mouvement brusque, sans panique toutefois, et Yu poursuivit sur le même ton sinistre. « Ça veut dire qu'il faut paralyser le Tonnerre.

— Bien, monsieur. » Valentine renfila sa tunique et se mit en devoir de bourrer ses poches de chargeurs.

— Qui est de garde aux machines ?

— Workman », répondit Valentine d'un air dégoûté. Le visage de Yu se durcit.

— Bon. Vous allez devoir vous introduire là-bas d'une façon ou d'une autre pour mettre les générateurs à fusion nucléaire en arrêt d'urgence. Vous vous en sentez capable ?

— Je peux toujours essayer, monsieur. L'essentiel de l'équipe de garde est masadien mais Joe Mount est avec eux pour les empêcher de faire des conneries.

— Ça m'embête de vous demander ça, Jim... commença Yu, mais Valentine l'interrompit :

— Vous n'avez pas vraiment le choix, commandant. Je ferai de mon mieux.

— Merci. » Yu le regarda un instant dans les yeux puis se tourna vers DeGeorge.

— Sam, vous et moi allons essayer de rejoindre la passerelle. Le major Bryan saura que faire quand Marlin arrivera et... »

Le sas s'ouvrit derrière lui et Yu se figea un instant avant de tourner brusquement la tête. Un colonel masadien se tenait dans l'ouverture, quatre hommes armés derrière lui, et il tenait à la main un pistolet automatique.

— Vous ne frappez jamais à la porte de vos officiers supérieurs, colonel ? » aboya le commandant par-dessus son épaule tout en glissant la main dans sa tunique encore ouverte.

— Capitaine Yu, fit le colonel comme si personne n'avait parlé, je dois vous informer que ce bâtiment est désormais sous... »

Yu se retourna, et son pulseur gémit. Il était chargé de fléchettes non explosives mais réglé en position automatique : le dos du colonel explosa en une sinistre pluie écarlate. Il s'effondra sans un cri et le même vent de destruction s'abattit sur ses troupes. La cloison qui faisait face au sas disparut sous une couche de sang brillante. Dans le couloir, quelqu'un hurla de terreur, et Yu se rua vers le sas.

Six Masadiens étaient bouche bée devant ce carnage. Cinq d'entre eux saisirent frénétiquement leur carabine lorsque le commandant apparut, pulseur en main. Le sixième réfléchit plus vite : il se retourna et se mit à courir tandis que Yu appuyait de nouveau sur la gâchette. Sa rapidité lui sauva la vie : ses compagnons absorbèrent le feu de Yu juste assez longtemps pour qu'il atteigne un coude dans le couloir. Le capitaine jura violemment.

Il retourna précipitamment dans la cabine, se jeta sur le panneau com. situé derrière son terminal et abattit le pouce sur le bouton d'appel à l'équipage.

— Hostile quatre-un ! annonça sa voix par chacun des haut-parleurs du navire. Je répète, Hostile quatre-un ! »

Le major Joseph Bryan sortit son arme de poing, se retourna et ouvrit le feu sans un mot. Les huit soldats masadiens présents avec lui dans l'armurerie fixaient encore l'intercom d'un air ébahi lorsqu'ils moururent. Ce n'est qu'à ce moment que Bryan se permit de jurer. Il s'était demandé pourquoi le lieutenant masadien voulait inspecter l'armurerie; maintenant il était fixé, mais trente ans passés dans l'armée en tant que conquistador de la République populaire le poussèrent à vérifier. Il se pencha sur le corps rongé par les fléchettes de son pulseur, déchira la tunique ensanglantée, et son visage se durcit en une expression à la fois satisfaite et lugubre lorsqu'il aperçut le pistolet qu'elle dissimulait.

Le sas de l'armurerie s'ouvrit et il se retourna vivement, toujours accroupi. Ce n'était que le caporal Marlin.

— Bordel, mais qu'est-ce que vous foutez là ? aboya Bryan. Vous êtes censé protéger le commandant !

— Il m'a envoyé vous trouver avant son annonce sur l'intercom, monsieur. » Marlin contempla les corps ensanglantés, le regard amer. « Je suppose qu'il disposait de moins de temps qu'il n'aurait cru. »

Bryan se contenta de grogner en réponse. Il était déjà en train d'enfiler une armure corporelle simple par-dessus son uniforme; le caporal se reprit et suivit son exemple. Ils auraient tous deux largement préféré une armure de combat ou au moins une combinaison de combat, mais ils manquaient de temps.

Le major boucla son gilet blindé et choisit une petite arme à fléchettes sur l'un des râteliers. Il venait de la charger lorsque retentit le claquement sec d'une arme à feu masadienne. Il se retourna de nouveau vers le sas mais baissa son arme en entendant des pulseurs lui répondre. Le capitaine Young apparut dans l'ouverture.

« J'ai neuf hommes avec moi, monsieur, annonça-t-il sans préambule.

— Bien. » Bryan réfléchissait à toute vitesse en enfilant des cartouchières. L'annonce « Hostile quatre-un » signifiait que le commandant ne les croyait pas capables de garder le contrôle du navire, et vu le nombre de soldats masadiens à bord, Bryan ne pouvait que partager cette analyse. Sa mission dans ce cas était simple, mais il aurait préféré disposer d'un contingent plus nombreux avant de se lancer.

Il boucla ses cartouchières et émit un grognement approbateur lorsque Young fit signe à cinq hommes d'entrer se mettre en tenue. Les quatre restants se tapirent devant le sas, désormais armés de pulseurs à fléchettes que Marlin leur avait lancés. Ils devaient couvrir leurs compagnons pendant que ceux-ci s'équipaient. Puis Bryan prit une décision.

« Je prends Marlin et quatre de vos hommes, capitaine. Restez ici pendant trente minutes sauf contrordre mais ne foutez pas le feu. Si vous êtes obligés de sortir, prévenez-moi avant d'agir – et assurez-vous que rien ne tombe aux mains des Masadiens.

— Bien, monsieur, fit Young. Hadley, Marks, Banner, Jancowitz, vous accompagnez le major. » Les hommes cités hochèrent la tête sans cesser de se barder d'armes. Bryan attendit qu'ils se soient amplement chargés de munitions puis il leur fit signe de sortir.

« ... Je répète, Hostile quatre-un! »

Le lieutenant Mount se contracta en entendant ces mots grésiller dans le haut-parleur. Pendant un instant il le regarda, incrédule, devinant la confusion des Masadiens autour de lui. Puis il tendit la main vers le panneau de contrôle.

Le capitaine de corvette Workman n'avait jamais entendu parler de « Hostile quatre-un » mais il connaissait les plans du Glaive Simonds et ce message obscur et soudain ne pouvait signifier qu'une chose. La balle de son revolver fit éclater la tête du lieutenant avant que ce dernier n'atteigne l'interrupteur d'arrêt d'urgence.

Le capitaine Manning ne cilla même pas lorsque la voix du capitaine Yu se déversa des haut-parleurs. Il savait que cela finirait par arriver et il avait déjà accepté l'idée qu'il se trouvait coincé sur la passerelle. Dès que le commandant eut confirmé une situation quatre-un, il glissa la main droite sous l'accoudoir du fauteuil de commandement. Un panneau discret qui n'apparaissait sur aucun plan s'ouvrit, et Manning y glissa l'index à l'instant où le lieutenant Hart sortait son pistolet.

« Quittez le fauteuil de commandement, capitaine Manning! aboya le Masadien. Et mettez vos mains bien en évidence ! »

Le timonier havrien se jeta sur l'officier des communications pour lui arracher son arme mais deux coups de pistolets retentirent quelque part derrière Manning et le second maître s'effondra sur la passerelle. Son assistant masadien l'enjamba pour prendre en charge le panneau de contrôle, et le visage de Manning se durcit, haineux. Il eut un grognement rageur à l'adresse de Hart mais l'officier des communications se contenta d'agiter son arme.

— Allez, hors du fauteuil maintenant ! » Manning se leva en lui lançant un regard chargé de mépris. Le panneau secret se referma comme il quittait le siège. Le Masadien rendit son regard au capitaine. « Voilà qui est mieux, et maintenant...

— Lieutenant Hart ! cria le Masadien qui venait de prendre en charge les manœuvres. Le vaisseau refuse d'obéir, monsieur ! »

Hart se tourna vers lui et Manning banda ses muscles, prêt à bondir, mais il s'efforça de se détendre car il y avait au moins un autre homme armé derrière lui.

L'officiers de communications se pencha par-dessus l'épaule du timonier et appuya sur divers boutons. Rien ne se produisit. Il se redressa et lança un regard haineux à Manning.

— Qu'est-ce que tu as fait? demanda-t-il.

— Moi ? Rien du tout. Peut-être le second maître Sherman a-t-il touché à quelque chose avant que vous ne l'assassiniez, répondit Manning d'une voix grinçante.

— Ne me raconte pas d'histoires, saloperie d'hérétique ! siffla Hart. Je ne...

Une sirène se mit à hurler, puis une autre et encore une autre. Il se retourna, incrédule, tandis que les sections tactique, astrogation et communications se verrouillaient toutes en même temps. Des témoins d'alerte écarlate s'allumèrent sur toutes les consoles et Manning se mit à sourire.

— On dirait que vous avez un problème, lieutenant, dit-il. Peut-être que vous...»

Il n'entendit même pas le coup partir.

Le capitaine Yu tenta sa chance jusqu'à l'ascenseur. Il n'avait pas le temps de prendre toutes les précautions nécessaires et

Valentine et DeGeorge couvraient le couloir avec leurs pulseurs tandis qu'il tapait son code personnel pour passer en contrôle manuel, puis indiquait leur destination.

« Entrez ! » aboya-t-il, mais quelqu'un cria alors qu'ils obéissaient et des balles ricochèrent sur la porte de l'ascenseur qui se refermait.

« Merde ! »

Valentine s'éloigna vivement de la porte en se tenant la cuisse gauche et Yu jura en apercevant la tache rouge et humide en train de se former. DeGeorge fit allonger l'ingénieur et déchira sa jambe de pantalon. Valentine gémissait en serrant les dents tandis que le commissaire de bord sondait rapidement la blessure.

La balle a dû manquer les artères principales, capitaine, fit-il aussitôt, avant de baisser les yeux vers Valentine. Ça va être horriblement douloureux, Jim, mais si on peut vous tirer d'ici vivant vous vous en sortirez.

— Merci de me rassurer », haleta Valentine. DeGeorge se mit à rire, d'un rire dur et forcé, et il déchira encore un peu de tissu pour improviser un bandage.

Yu n'écoutait que d'une oreille, concentré sur l'indicateur de position de l'ascenseur. Celui-ci clignotait et changeait régulièrement. Il s'était mis à espérer lorsque l'indicateur se figea soudain et que l'ascenseur s'immobilisa. Il frappa du poing sur le mur. A ce bruit, DeGeorge leva un regard interrogateur vers le commandant tout en mettant la dernière main au bandage de Valentine.

« Ces salauds ont coupé l'alimentation, fit Yu.

— Uniquement celle des ascenseurs, on dirait. » Valentine avait la voix rauque mais il pointa un doigt sanglant vers le panneau de statut énergétique. Le témoin rouge qui aurait dû indiquer le passage sur le générateur de secours était éteint. Son visage se déforma — pas seulement sous l'effet de la douleur.

Les réacteurs marchent toujours. Ça veut dire que Joe n'a pas réussi à les arrêter.

— Je sais. » Yu espérait que Mount était encore en vie mais il n'eut qu'une brève pensée pour le lieutenant. Il était déjà en train d'arracher le plancher pour atteindre le sas de secours.

Le major Bryan s'arrêta dans le sas de l'étroit couloir de service encore fermé pour reprendre son souffle. Il aurait aimé disposer d'un moyen de voir à travers la porte, mais il n'en avait pas. Ses hommes et lui allaient devoir se lancer en aveugles et prier pour que ça marche; ce n'était pas de cette façon qu'il avait atteint le grade de major.

« Bon, dit-il calmement. Je prends à droite, Marlin à gauche. Hadley et Marks viennent avec moi, Banner et Jancowitz avec Marlin. Compris ? »

Un chœur discret de grognements lui répondit. Il saisit son arme et actionna de l'épaule le levier d'ouverture.

Le sas s'ouvrit brusquement et Bryan plongea. Il atterrit sur le ventre, déjà occupé à situer l'ennemi, et son premier coup partit avant même qu'il ait cessé de glisser.

Son arme cracha une grappe de fléchettes dans la galerie du hangar d'appontement. Un officier masadien explosa sur la cloison plastoblindée, la maculant de sang et de lambeaux de chair. Ses trois subalternes armés de fusils, à la fois surpris et terrifiés, se retournèrent vers le major.

L'arme crachait ses fléchettes encore et encore, si vite que seul un des Masadiens eut le temps de hurler avant que des disques aiguisés comme des lames de rasoir lui déchirent les chairs. Les hommes d'équipage havriens qu'ils tenaient jusqu'alors en respect se précipitèrent à l'abri. Une seconde arme à fléchettes se fit entendre à gauche de Bryan, en mode automatique cette fois, et des coups de feu retentirent en réponse. Il entendit la plainte des balles qui ricochaient sur les parois mais il concentrait déjà son tir sur les renforts masadiens qui tentaient de se frayer un passage par le sas du hangar d'appontement.

Ses fléchettes les réduisirent en viande hachée frémissante au milieu des hurlements, puis Hadley, derrière lui, leur balança une grenade d'abordage. L'arme à fragmentation fit l'effet d'un marteau divin dans l'étroit couloir, et soudain il n'y eut plus personne pour tenter de franchir le sas.

Bryan se remit debout. Marlin était touché : il saignait beaucoup du bras gauche, qu'un coup de fusil lui avait presque arraché, mais ça aurait pu être bien pire. Au moins dix-huit Masadiens avaient péri. Ces salauds avaient trouvé le temps de rassembler plus de vingt Havriens dans le hangar d'appontement avant l'arrivée de Bryan.

« Trouvez-vous des armes », ordonna le major en désignant les fusils et les pistolets masadiens ensanglantés qui parsemaient le pont. Des hommes encore sous le choc lui obéirent tant bien que mal et il appuya sur son unité com. « Young, ici Bryan. Nous sommes en position. Et vous ?

— J'ai rassemblé trente-deux hommes, le lieutenant Warden inclus, major. » Le son d'armes à fléchettes et de fusils accompagnait la voix de Young. « Nous subissons des tirs concentrés depuis les sections un-quinze et un-dix-sept; quant à un-seize, ils y ont fait une percée au niveau de l'ascenseur mais j'ai fait sauter la Morgue avant qu'ils parviennent à entrer. »

Bryan serra les dents. L'armurerie était isolée du reste du vaisseau et aucun de ses hommes ne pourrait donc plus y rejoindre Young. Quant à la destruction de la Morgue (la zone de maintenance et de stockage des armures de combat, proche du couloir un-cinq-cinq), elle impliquait que les soldats dont il disposait allaient devoir combattre sans armure.

« Chargez-vous de toutes les armes et munitions que vous pouvez transporter, ensuite sortez, fit-il brusquement. Retrouvez-nous ici, et surtout n'oubliez pas votre petit cadeau d'adieu.

— Bien, monsieur. J'y veillerai. »

Alfredo Yu glissait tête la première le long de l'échelle d'inspection, saisissant un barreau de temps à autre pour se donner de l'élan tandis que le collier antigrav accroché à sa ceinture supportait son poids. Sur les ordres de Yu, les hommes de DeGeorge avaient dissimulé une douzaine de ces colliers sous chaque ascenseur avant même que le Tonnerre n'arrive à Endicott, et le commandant bénissait sa prévoyance tout en se maudissant d'avoir laissé Simonds le rouler dans la farine.

Il se retourna. Plus haut dans la cage d'ascenseur, DeGeorge fermait la marche, et Valentine progressait entre eux. L'ingénieur était toujours vaillant mais son visage blême dégoulinait de sueur, sa jambe de pantalon se teintait de rouge foncé et il devait s'accrocher des deux mains à l'échelle.

Yu atteignit un conduit transversal et vérifia sa position avant de s'y glisser. Les conduits étaient chichement éclairés et il avait mal aux yeux à force de se concentrer sur l'ombre, niais il n'avait certainement pas besoin d'une lampe s'il comptait passer inaperçu...

Un cliquetis se fit entendre un peu plus loin. Il leva la main pour arrêter les autres et s'avança en silence grâce à l'antigrav, la main gauche prête à saisir une prise tandis que la droite brandissait un pulseur. Quelque chose bougea dans l'ombre et, tout en levant son pulseur, il s'agrippa de sa main libre à un barreau pour contrer les effets du recul. Il allait appuyer sur la gâchette mais se détendit en constatant que les trois hommes devant lui ne portaient pas d'armes.

Il approcha doucement. L'un d'eux l'aperçut et souffla un avertissement inquiet. Les deux autres relevèrent la tête et tournèrent les yeux vers lui avant de frémir de soulagement.

« Commandant ! Qu'est-ce qu'on est contents de vous voir, monsieur ! » s'exclama à voix basse un second maître, signifiant ainsi à Yu qu'il ne devait pas parler trop fort tandis qu'il se dirigeait vers eux.

« On essayait de rejoindre le hangar d'appontement, monsieur, continua-t-il, et on a failli tomber dans un piège. Ils ont ouvert les portes des ascenseurs au niveau trois-neuf-un.

— C'est vrai ? » murmura Yu. DeGeorge arrivait derrière lui, traînant Valentine. « Avez-vous une idée du nombre d'hommes dont ils disposent, Evans ?

— Peut-être une demi-douzaine, monsieur, mais ils étaient tous armés et pas nous... » Le second maître désigna d'un geste ses deux compagnons et Yu hocha la tête.

« Jim., donnez votre pulseur et votre collier antigrav à Evans. » L'ingénieur blessé tendit son arme à l'officier puis se mit en devoir de vider ses poches des chargeurs qu'elles contenaient pendant qu'Evans lui débouclait son collier antigrav. Yu se tourna vers DeGeorge.

« Il faut qu'on ôte ces salauds du chemin, Sam, pour nous et pour les autres. » DeGeorge acquiesça et Yu désigna la cloison arrière du conduit. « Vous grimpez le long de cette cloison. Moi je prends le haut de l'ouverture et Evans le bas. » Il leva les yeux vers le second maître pour s'assurer qu'il écoutait bien et celui-ci fit un signe de tête affirmatif.

« Il faut que ça aille vite. Ne me quittez pas des yeux. Dès que je fais signe, vous y allez à fond. Avec un peu de chance on aura atteint l'ouverture avant qu'ils s'en rendent compte. Compris ?

— Oui, monsieur », répondit tout bas Evans. DeGeorge hocha la tête.

« Bon, on y va », fit Yu d'un air sinistre.

Le major Bryan contemplait le hangar d'appontement pendant que Young s'extrayait du couloir de service. C'était le dernier membre du groupe parti de l'armurerie mais quinze autres hommes étaient arrivés par d'autres voies improbables. La plupart sans armes, bien que certains soient apparus chargés de fusils dont les soldats masadiens n'auraient plus besoin, mais Young et ses compagnons avaient amené assez d'armes à fléchettes pour tous. En fait, Bryan en avait encore une petite réserve entassée sur le pont, et avec la charge destructrice que Young avait laissée dans l'armurerie, les Masadiens ne mettraient pas la main sur des armes équivalentes.

Malheureusement, il n'avait rassemblé que soixante-dix hommes. Il pouvait tenir le hangar, aucun doute (en tout cas pour l'instant), mais peu d'options se présentaient à lui et aucun des officiers supérieurs n'était entré en contact avec lui.

« Nous avons distribué les respirateurs, monsieur », annonça le sergent Towers. Bryan grogna en réponse. L'avantage du hangar d'appontement, c'était que ses casiers de service et de secours regorgeaient de masques. Maintenant qu'ils avaient été distribués, les Masadiens ne pouvaient plus se servir des ventilateurs pour les asphyxier ou les gazer. De plus, deux officiers des machines avaient mis les sas de secours hors service, ce qui empêchait également l'ennemi de dépressuriser la galerie. Le major faisait garder le couloir d'accès jusqu'aux portes coupe-feu, ce qui lui donnait le contrôle de la cage d'ascenseur, mais dans la mesure où l'alimentation des ascenseurs était coupée, il ne s'agissait que d'un avantage limité.

« Quels sont les ordres, monsieur ? » demanda calmement Young. Bryan prit une mine renfrognée : ce qu'il voulait faire, c'était lancer une contre-attaque, mais il n'irait pas loin avec soixante-dix hommes.

« Pour l'instant, on tient la position, répondit-il. Mais faites préparer les pinasses. »

Les pinasses allaient plus vite que la majorité des petites embarcations et elles étaient armées, bien qu'aucune ne fût dotée d'artillerie externe à cet instant. Toutefois elles demeuraient bien plus lentes que le Tonnerre, dont l'armement les écraserait comme des mouches. Young le savait aussi bien que Bryan mais il se contenta d'acquiescer.

« Bien, monsieur », conclut-il.

La main de Yu, moite, glissait sur les barreaux. Son cœur battait la chamade. Il n'aimait pas ce genre de combat, mais il n'avait pas le choix. Il se retourna pour vérifier la position d'Evans et DeGeorge. Ils étaient prêts et le regardaient fixement. Il prit une profonde inspiration et leur fit signe.

Ils se jetèrent tous les trois en avant; Yu roula de côté à mi-course, tenant son pulseur à deux mains tandis qu'il passait comme l'éclair devant les portes béantes de l'ascenseur. Un soldat masadien l'aperçut et voulut donner l'alerte mais le commandant appuya sur la gâchette et deux autres pulseurs gémirent, balançant une tornade de fléchettes dans le couloir.

Les tireurs n'avaient pas le temps de viser mais leurs armes n'en étaient pas moins mortelles : les projectiles déchiquetèrent les ennemis tapis en embuscade. Yu tendit le pied et coinça ses orteils sous l'un des barreaux avant que le recul du pulseur puisse l'éloigner de l'échelle. Il se rapprocha du mur à la force des jambes puis passa un coude par l'ouverture afin de se maintenir immobile. Son pulseur gémit à nouveau comme l'ennemi tentait de passer un tournant du couloir. Un cri perçant lui apprit qu'il avait fait mouche et il conserva sa position, le souffle court, tandis qu'Evans et DeGeorge se hissaient à ses côtés.

« Evans, allez voir si vous pouvez récupérer leurs armes. Le capitaine DeGeorge et moi-même vous couvrirons.

— À vos ordres, monsieur. »

Le second maître jeta un coup d'œil de chaque côté du couloir puis se glissa par les portes ouvertes et se mit à tirer vers lui les fusils automatiques des Masadiens. Le reste de leur petit groupe arriva, haletant, pour se saisir des armes qu'il leur tendait. Pendant ce temps DeGeorge envoya une volée de fléchettes dans le couloir afin de neutraliser un importun.

L'un des corps portait un sac plein de grenades. Evans eut un sourire démoniaque et en envoya une rouler vers l'endroit où le couloir faisait un coude. Des hurlements annoncèrent son arrivée mais une terrible explosion les fit taire.

« Bien joué ! » lança Yu. Evans lui sourit en réintégrant la cage d'ascenseur avec le sac de grenades.

« Deux hommes supplémentaires viennent d'arriver, monsieur », annonça une voix. Yu hocha la tête. En dehors des couloirs de service qui partaient des quartiers des fusiliers, ce conduit représentait le seul chemin d'accès au hangar d'appontement. Tous les membres d'équipage postés dans les parties supérieures du vaisseau qui avaient réussi à ne pas se faire prendre passeraient forcément devant cette ouverture.

« Sam, Evans et vous allez choisir trois hommes et tenir cette position. Je vais continuer jusqu'au hangar pour me rendre compte de notre situation là-bas.

— Bien, monsieur, répondit DeGeorge.

— Qui a une unité com. ? » Deux hommes levèrent la main. « Vous, Granger, donnez la vôtre à monsieur DeGeorge. » Le matelot s'exécuta et le commissaire de bord fixa l'unité com. à son poignet gauche.

« Sam, nous ne récupérerons pas le contrôle du vaisseau si Bryan n'a pas réussi à rassembler assez d'hommes dans le hangar d'appontement. Si je peux, je vous enverrai quelques fusiliers en renfort. Sinon, restez ici jusqu'à ce que je vous appelle, et alors rejoignez-moi aussi vite que possible. C'est clair ?

— Très clair, monsieur.

— Parfait. » Yu posa la main sur l'épaule du commissaire de bord avant de s'élancer dans le conduit.

« Monsieur ! Major Bryan! Le commandant est là ! »

Bryan leva les yeux, profondément soulagé, tandis que le capitaine Yu sortait de la cage d'ascenseur. Yu traversa le couloir à grandes enjambées, suivi de quelques matelots, dont deux portaient le capitaine Valentine presque inconscient.

Bryan se mit au garde-à-vous et commença son rapport mais Yu leva la main pour l'arrêter. Les yeux sombres du commandant parcoururent les visages des hommes rassemblés puis il serra les mâchoires.

« C'est tout ? » demanda-t-il à voix basse. Bryan eut un signe de tête affirmatif. Yu avait l'air terriblement déçu mais il se redressa et se dirigea vers le panneau de contrôle. Il tapa un code sécurisé et grogna de satisfaction.

Bryan l'avait suivi et regardait par-dessus son épaule. Les données qu'affichaient le petit écran ne signifiaient rien pour lui et il n'aurait pas su comment y accéder de toute façon, mais elles semblaient faire plaisir au commandant.

« Bon, ça au moins, ça a marché, murmura ce dernier.

— Monsieur ? » s'enquit Bryan d'un air perplexe. Yu eut un sourire lugubre.

« Le capitaine Manning a mis les ordinateurs de la passerelle hors service. Tant qu'ils n'auront pas compris comment il s'y est pris, ils ne pourront pas manœuvrer et le système tactique tout entier restera bloqué. »

Les yeux de Bryan se mirent à briller et Yu hocha la tête. « Vous avez fait préparer les pinasses ?

— Oui, monsieur.

— Bien. » Yu se mordilla un instant la lèvre, puis ses épaules s'affaissèrent. « Bien, répéta-t-il plus lentement, mais je crains qu'il ne nous faille abandonner beaucoup de gens derrière nous, major.

— Oui, commandant, répondit Bryan d'un air sinistre avant de s'éclaircir la gorge. Que croyez-vous que ces enflures aient l'intention de faire avec le Tonnerre?

— J'ai bien peur de le deviner, major, soupira Yu. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas les arrêter. Au point où nous en sommes, le mieux à faire est d'essayer de tirer nos hommes d'ici. »

« Comment ça, vous n'arrivez pas à entrer dans le hangar d'appontement? » hurla le Glaive Simonds. Le brigadier qui lui faisait face se retint de passer la langue sur ses lèvres.

« Nous avons essayé, monsieur, mais ils sont trop nombreux là-dedans : d'après le colonel Nesbit, ils seraient au moins trois ou quatre cents.

— N'importe quoi ! C'est n'importe quoi ! Ils sont à peine six cents à bord et nous en avons abattu au moins les deux tiers ! Dites à Nesbit de se bouger le cul et d'entrer ! Cet imbécile de Hart a buté Manning, alors si Yu m'échappe lui aussi... »

La phrase du Glaive resta en suspens, menaçante, et le brigadier déglutit.

« Combien ? s'enquit Yu.

— Je dirais cent soixante, monsieur », répondit Bryan. Le visage de Yu restait de marbre mais on lisait la douleur dans ses yeux. Cent soixante personnes, soit moins de vingt-sept pour cent de son équipage havrien, pourtant il n'y avait pas eu de nouvelle arrivée depuis presque un quart d'heure et les Masadiens utilisaient maintenant des lance-flammes en plus des grenades et des fusils. Il leva son unité com. jusqu'à sa bouche.

« Sam ?

— Oui, monsieur ?

— Ramenez vos fesses. Il est temps de partir. »

« Ils ont quoi ?

— Ils ont lancé les pinasses, monsieur, répéta le malheureux officier. Et... et une explosion s'est produite dans le hangar d'appontement juste après leur départ », ajouta-t-il.

Le Glaive Simonds jura violemment et se retint – miraculeusement – de frapper le messager. Puis il se retourna brusquement vers le lieutenant Hart :

« Où en sont vos ordinateurs ?

— Nous... nous essayons encore de comprendre quel est le problème, monsieur. » Hart croisa le regard du Glaive d'un air craintif. « On dirait un genre de verrou de sécurité et...

— Bien sûr que c'en est un ! grogna Simonds.

— Nous finirons par le contourner, promit le lieutenant, blême. Il suffit de parcourir l'historique des instructions, à moins que...

— À moins que quoi ? s'enquit le Glaive comme Hart s'interrompait.

— À moins qu'il ne s'agisse d'un verrou matériel plutôt que logiciel, monsieur, répondit-il d'une toute petite voix. Dans ce cas, il nous faudra remonter les circuits principaux jusqu'à lui, et sans le capitaine Valentine...

— Ne vous cherchez pas d'excuses ! hurla Simonds. Si vous n'aviez pas été si rapide à descendre Manning, on aurait pu lui faire avouer la nature de son intervention !

— Mais, monsieur, nous ne sommes pas sûrs que ce soit lui ! Je veux dire...

— Imbécile ! » Le Glaive gifla le lieutenant du revers de la main avant de se tourner brusquement vers le brigadier. « Mettez cet homme aux arrêts pour trahison contre la Foi !

Le capitaine Yu était assis dans le siège du copilote et regardait son magnifique vaisseau s'éloigner à l'arrière. Le silence amer qui régnait dans le compartiment passager de la pinasse faisait écho au sien. Comme lui, les hommes assis là-bas étaient soulagés d'avoir survécu, mais leur soulagement se teintait de honte. Ils avaient laissé trop des leurs derrière eux. Ils n'avaient pas eu le choix, mais cette certitude ne leur apportait aucun réconfort.

Dans un coin de son esprit, Alfredo Yu aurait préféré ne pas s'en sortir car il avait davantage honte encore que ses hommes. C'était son navire qu'il abandonnait, et son équipage : il les avait laissés tomber. Et puis il avait failli à son devoir envers le gouvernement de la République populaire... Toutefois celui-ci ne suscitait guère de loyauté personnelle et même la certitude que la Flotte le punirait pour son échec ne comptait pas à ses yeux face à cet abandon. Pourtant il n'avait pas eu le choix : il avait sauvé autant d'hommes que possible, il le savait.

Il soupira et fit apparaître une carte du système. Il y avait bien quelque part un endroit discret où ses hommes et lui-même pourraient se cacher jusqu'à l'arrivée des escadres de combat qu'avait réclamées l'ambassadeur Lacy. Tout ce qu'il avait à faire, c'était de le trouver.

Pour L'Honneur de la Reine
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